Entamé en 2023, ORA est un projet ambitieux rassemblant de nombreux partenaires et qui va s'étaler sur huit ans. La problématique liée à l'utilisation des antiparasitaires est-elle à ce point conséquente?
Oui, le fait est qu'on rencontre aujourd'hui à large échelle des résistances de la part des parasites internes face aux vermifuges. Bien qu'on entende nettement moins parler de ce phénomène que de l'antibiorésistance, du fait que la population humaine n'est pas directement concernée, il est tout aussi préoccupant. Aujourd'hui, les éleveurs et éleveuses s'aperçoivent qu'ils dépendent d'une seule molécule pour venir à bout des parasites, qui ont non seulement des conséquences en matière d'accroissement des animaux, mais peuvent également causer la perte de certains d'entre eux. Non seulement en Suisse, mais dans tous les pays où l'on élève des moutons et des chèvres (laitières et allaitantes), on est de plus en plus conscient qu'il est toujours plus compliqué de lutter contre les vers parasites avec des vermifuges. Les enjeux zootechniques et économiques sont donc de taille!
Comment la recherche a-t-elle évolué dans ce domaine ?
Le FiBL a commencé par étudier l'effet des plantes contenant des tanins, comme le sainfoin, sur l'infestation parasitaire. Un autre domaine de recherche est la sélection d'animaux peu sensibles aux parasites, en pratiquant un examen systématique des déjections. La gestion des pâturages est également une mesure importante des adaptations dans ce domaine permettent en effet de réduire considérablement l'intensité des infections.
Quels sont désormais les enjeux et défis de ce projet Ressources?
L'objectif est de trouver des méthodes permettant d'identifier mieux et plus rapidement les animaux atteints. Cela permettrait de traiter individuellement les moutons et les chèvres fortement infestés par les vers. Si on vermifuge les animaux plutôt que des troupeaux entiers, cela réduit la pression de sélection sur les vers et prévient les résistances. Cela signifie également que certaines substances actives peuvent être utilisées plus longtemps. Parallèlement, nous souhaitons réduire de 30% l'utilisation de vermifuges dans les exploitations participantes.
Les traitements vermifuges pourraient-il un jour être interdits d'usage?
Il n'est pas aujourd'hui question de les interdire, mais il faut s'attendre à ce que l'étau se resserre gentiment, pression sociétale oblige. Raison de plus pour agir préventivement! En outre, les antiparasitaires ont des conséquences environnementales non-négligeables. Certains scientifiques ont en effet mis en évidence l'influence néfaste des anthelmintiques sur l'entomofaune scatophage - scarabées, puces, acariens.
Quel accueil la branche et les éleveurs réservent-ils au projet ORA?
Très bon. Il y a un réel professionalisme chez les éleveurs de petits ruminants, qui les poussent à chercher des solutions, du soutien, et à participer à des projets de recherche. On doit désormais les amener à changer progressivement leurs pratiques.
Le projet s'étale sur huit ans, la difficulté va donc être pour les vingt deux exploitations participantes de conserver cette motivation à participer à ce projet. En parallèle, ils doivent affronter d'autres problématiques (langue bleue, fertilité, etc.) qui influent directement sur le revenu et provoque du travail supplémentaire. Mais je garde confiance dans cette dynamique que nous avons mis sur pied.
Propos recueillis par Claire Berbain, FiBL
Pour en savoir plus
Projet ORA (fibl.org)