Il faut garantir à la vigne une vigueur suffisante, en vue d’un rendement acceptable et d’une bonne fermentation des moûts. Il faudrait aussi favoriser une biodiversité élevée de la couverture herbeuse. Ces objectifs ne sont pas toujours faciles à concilier.
Pas d’herbicides, pas d’azote de synthèse, et un enherbement parfois entretenu uniquement par la fauche pour éviter trop de travail. Pas d’adjonctions autorisées de phosphate d’ammonium (sauf pour les vins mousseux). Dans ces conditions, les risques de vigueur insuffisante sont réels et les problèmes de fermentation des moûts ne sont pas exclus en bio. Cette situation concerne peut-être aussi des viticulteurs PER qui suppriment les herbicides. Pour apprécier correctement ces difficultés, des observations sur cinq domaines viticoles vaudois ont été effectuées en 2013 et 2014. Quatre d’entre eux travaillent en conditions bio (avec 9 parcelles suivies, divers cépages) et le cinquième en PER (avec 2 parcelles suivies). Les cinq domaines ont entretenu l’enherbement de l’inter-rang uniquement avec deux à quatre fauchages alternés. Le domaine PER a en plus appliqué de l’herbicide sur le rang.
Productivité et qualité du raisin
Les mesures suivantes ont été effectuées en 2014 : pesage du bois de taille, indice chlorophyllien et analyses d’azote dans les feuilles à la véraison, indice de formol dans les baies juste avant la récolte, rendement en raisin. Toutes ces mesures donnent des indications sur la vigueur de la vigne, la teneur en azote des feuilles et des baies, et l’aptitude à la fermentation des moûts.
Sur les 9 parcelles bio suivies, la plupart avaient des résultats moyens à bas pour plusieurs des critères énumérés ci-dessus (mais pas toujours pour tous les critères). Malgré des indices de formol généralement bas en 2014, les fermentations des moûts se sont quand même bien passées ; mais cela est probablement dû à l’effet de l’année (printemps sec mais été humide, pas de stress hydrique marqué). L’indice de formol a été particulièrement bas sur les 3 parcelles avec l’enherbement le plus dense (stress dû à l’herbe). Une fauche très extensive favorise une grande biodiversité de la couverture herbeuse, mais peut fortement affaiblir la vigne.
Sur les deux parcelles PER suivies, les résultats avaient tendance à être un peu plus favorables.
Recommandations
Les résultats obtenus ci-dessus concernent peu de parcelles et une année seulement, donc attention à l’interprétation. Mais ils confirment certaines connaissances déjà acquises et les illustrent avec des cas concrets. Ils attestent de la complexité de la gestion de l’azote en conditions bio. Un élément-clé de cette gestion est le travail du sol, qui gagnerait à être davantage pratiqué qu’à l’heure actuelle. Il est intensif sous le rang et plus extensif dans l’inter-rang. Idéalement, il s’agit de trouver un équilibre entre la nécessité de favoriser la minéralisation de l’azote du sol par le travail du sol et celle de n’affaiblir que momentanément la végétation afin qu’elle reparte ensuite en croissance.
Le travail du sol favorise certaines plantes à bulbes qui sont intéressantes pour la biodiversité. Il peut s’effectuer avec des outils très divers : Actisol, herse à disque, bêcheuse… .
Cette manière de faire est acceptée par Bio Suisse, dont le cahier des charges exige un enherbement « si possible toute l’année. L’enherbement peut être remplacé temporairement soit par un mulch constitué de matières organiques, soit par des semis intercalaires de couverture ». Il faut aussi veiller à des apports azotés adéquats pour contribuer à une vigueur suffisante de la vigne : compost de haute qualité épandus en automne ou en hiver, autres engrais autorisés en bio.
Pistes pour l’avenir
Concernant la fertilisation azotée, des essais avec des digestats ont débuté en 2015, mais il n’y a pas encore de résultats communicables. Concernant l’enherbement, il reste encore à faire pour trouver les bons mélanges à semer, les légumineuses à y intégrer, et la bonne manière de les entretenir.
Le rouleau faca
Sur une parcelle en bio, une comparaison a été effectuée le procédé « Intercep » (travail du sol sous le rang, fauchage de l’inter-rang) et « rouleau faca » (pas de travail du sol sous le rang, rouleau faca dans l’inter-rang). La vigne a été moins vigoureuse et moins productive dans le procédé « rouleau faca ». Sur la base de cet essai et d’observations effectuées ailleurs, il est recommandé de n’utiliser le rouleau faca qu’en combinaison avec les autres techniques : fauche et travail du sol de l’inter-rang.
Présentation filmée sur les couverts végétaux temporaires en viticulture (en français)
Issus des grandes cultures, les couverts végétaux temporaires ou engrais verts se développent en viticulture, dans le but de disposer de sols vivants et plus résilients aux aléas climatiques. Leur utilisation est très pertinente en viticulture biologique pour sécuriser les rendements souhaités et optimiser la qualité de ses vins, tout en créant de la vie et de la biodiversité. Cette présentation montre quels sont les avantages et les inconvénients attendus des semis de couverts végétaux temporaires en viticulture, ainsi que l'itinéraire technique qu'ils incombent.
En savoir plus
Des solutions pour la gestion de l’enherbement en viticulture bio (173.9 KB) (Agrihebdo du 24 avril 2020)