La sécheresse et les fortes précipitations représentent des défis pour le NaturGut Katzhof à Richenthal, dans le canton de Lucerne. Voilà pourquoi, dans leur domaine Demeter doté d’un potager communautaire, Markus Schwegler Meierhans et Claudia Meierhans misent sur le keyline design, associé à l’agroforesterie.
L’eau doit s’infiltrer au lieu de s’écouler en surface. Lors de précipitations, l’eau est collectée et détournée pour être utilisée quand et où elle est nécessaire. «Le keyline design est beau et utile à la fois», déclare Markus Schwegler lors d’une visite de ferme organisée en août par la plateforme de connaissances Soil to Soul. À cette occasion, le film «Naturgut Katzhof», produit par Guido Koch, a été projeté pour la première fois.
Le projet Wasserkultur (Culture de l’eau) est mis en œuvre au Katzhof depuis le début de l’année. La gestion s’oriente maintenant sur des lignes clés ou keylines. Les légumes du potager communautaire, géré sous la forme de l’agriculture contractuelle de proximité, et les châtaigniers récemment plantés poussent déjà le long des courbes de niveau.
Un écosystème performant
Lors de fortes précipitations, l’eau s’accumulera à l’avenir dans des fossés d’irrigation. Elle sera ensuite acheminée vers un bassin de stockage pour pouvoir être utilisée pour l’irrigation en cas de sécheresse. L’aménagement d’un étang est également prévu. «Nous voulons en principe établir un écosystème qui fonctionne et créer un paradis à long terme», explique l’agriculteur bio qui, avant de suivre une formation agricole, a travaillé pendant dix ans dans le domaine social.
Au Katzhof, l’envie d’expérimenter est grande. Les méthodes de culture innovantes et les nouvelles mesures de gestion de l’eau bouleversent la ferme. Tout doit être repensé: quelles seront par exemple les répercussions des fossés d’irrigation sur l’utilisation des machines? Markus Schwegler souhaite que la gestion de l’eau fonctionne comme prévu d’ici cinq ans et que les plantations puissent bien s’établir d’ici là. Ce laps de temps lui permettra également de se faire une idée de la manière dont la ferme pourrait évoluer au cours des dix à vingt prochaines années. Selon l’agriculteur, il reste encore beaucoup d’incertitudes, par exemple concernant l’état des fossés d’eau dans dix ans et la nécessité ou non d’apporter alors des corrections.
De nouvelles branches de production
«Les plantations constituent le lien entre l’orientation future de la ferme et la stabilisation du cycle local de l’eau», constate Markus Schwegler. «De nouvelles branches de production et possibilités de commercialisation ainsi que de nouveaux défis se présentent à nous, par exemple avec la noisette cultivée.» En effet, une cinquantaine de noisetiers seront plantés au Katzhof. «Il faudra alors se demander à partir de quelles quantités il serait intéressant d’investir dans la transformation, par exemple, ou si la commercialisation directe pourrait être une option. Les bases pour la productivité sont posées, mais il reste encore de nombreux points à voir», conclut-il.
L’eau joue un rôle central au vu des changements climatiques. Le keyline design représente une option de conception envisageable pour augmenter la résilience dans l’agriculture. D’après Markus Schwegler, les bailleurs de fonds tiennent eux aussi à ce que les mesures prises soient productives tout en se fondant dans le paysage. «La gestion de l’eau est, tout comme l’agriculture, une mission d’ordre culturel. Le terme Wasserkultur permet de s’éloigner un peu du côté technique», explique l’agriculteur, qui a longuement réfléchi au nom. «Nous aménageons un paysage culturel en fonction des besoins de l’eau et créons ainsi un environnement à haute valeur écologique, productif, esthétique, sain et agréable à vivre pour l’homme, l’animal, la plante et le sol», voilà la vision du projet.
Principes de base applicables
L’intérêt porté au NaturGut Katzhof est grand. «Le keyline design n’est pas encore très connu dans notre paysage agricole», déclare à ce sujet Markus Schwegler. Pour lui, l’échange d’expériences fait partie intégrante du projet. «C’est une histoire open source», explique-t-il. «Nous nous réjouissons d’ouvrir la voie, en espérant que cela fonctionne. Il s’agit d’inspirer d’autres et de les encourager à entreprendre une telle démarche. Dans une autre exploitation, la situation est différente, mais les principes de base peuvent être repris.» Le NaturGut Katzhof fait également partie des fermes pilotes du projet Slow Water, que le Centre pour l’agriculture, la nature et l’alimentation d’Ebenrain à Sissach (BL) gère en collaboration avec le canton de Lucerne (lawa et BBZN). Ce projet vise à utiliser l’eau de pluie et à éviter l’érosion grâce à des mesures de rétention.
Au Katzhof, le keyline design a été mis en œuvre d’abord dans les cultures maraîchères, où le manque d’eau et les fortes pluies se font sentir de manière particulièrement drastique. Via un événement en ligne, Markus Schwegler avait découvert le sylviculteur et conseiller allemand Phillipp Gerhardt, qui dispense des conseils en matière de keyline design et d’agroforesterie. À Meilen (ZH), il existe une ferme qui met en œuvre le keyline design depuis un certain temps déjà: dans le potager communautaire de la coopérative Minga à la ferme Aebleten de Lukas et Jeannine van Puijenbroek. «Le soir même, j’ai passé un coup de fil», raconte Markus Schwegler. Peu après, il s’est rendu sur place pour visiter la ferme.
Une gestion adaptée
Dans l’agriculture, le détournement d’eau n’a rien de nouveau. En Suisse, on peut citer les bisses valaisans et les Wässermatten (prairies irriguées) en Haute-Argovie. Le principe du keyline design repose sur la technique minière: drainer et rendre l’eau utilisable. Un exemple: le système de gestion hydraulique du Haut-Harz, patrimoine culturel mondial. Percival Alfred Yeomans, ingénieur et agriculteur, a continué à développer le procédé en Australie au siècle dernier et l’a appliqué à l’agriculture. La canalisation ciblée de l’eau au moyen du keyline design est aujourd’hui également demandée lors de la création de jardins en permaculture.
Dans le projet Wasserkultur, il est essentiel que les différents éléments soient sur mesure et se fondent dans le paysage. «J’ai remarqué qu’au fil du temps, nous avons adapté le paysage aux machines. Il serait maintenant temps d’adapter la gestion au paysage», explique Markus Schwegler. Et d’ajouter: «Sur le plan technique, c’est réalisable aujourd’hui. Même pour ce qui est des courbes: ce n’est pas seulement une charge, mais aussi un gain supplémentaire.»
Ania Biasio, FiBL
Pour en savoir plus
Projet Wasserkultur au Katzhof (en allemand, site web du Katzhof)
Soil to Soul: farmer's table #5 Naturgut Katzhof (YouTube, en suisse allemand, sous-titré en anglais)
Projet Slow Water (en allemand, site web du centre d'Ebenrain)
SRF, 10 vor 10, 17.08.2023: «Slow Water»: un projet visant à lutter contre le manque d'eau et les inondations (en allemand, site web de l'SRF)
Minga à la ferme d'Aebleten à Meilen ZH (en allemand, site web de la coopérative)
Keyline-Design (en allemand, Wikipédia)
Dernière mise à jour de cette page: 31.10.2023