Les engrais verts doivent exercer toutes sortes de fonction (fournir de l’azote, améliorer la structure du sol, maintenir les sols libres de mauvaises herbes…) et ne pas coûter trop cher. Pas toujours facile de concilier tout cela. En plus, le choix des plantes à semer dépend des conditions locales (sol, climat, rotation…). Et pourtant, quelques principes simples permettent de faire son choix assez facilement.
Les grandes lignes
- Il est recommandé de semer un mélange de 3 à 6 plantes. Chaque plante complète l’autre. Si une plante échoue, il y a encore assez d’autres plantes pour assurer la réussite de l’engrais vert
- Prévoir 50 à 70 % de légumineuses, et au moins deux légumineuses différentes. Il y a une exception : si l’engrais vert précède une légumineuse à graines en culture principale, semer un engrais vert sans ou avec peu de légumineuses. Faire des essais pour trouver le meilleur mélange adapté à chaque situation.
- Déchaumage préalable : s’il y a des graines tombées au sol (grêle sur céréales ou colza…) ou des adventices vivaces (chiendent, chardons…), plusieurs déchaumages successifs sont indispensables. Mais après une céréale très propre, on peut se contenter d’un déchaumage le lendemain de la moisson, suivi du semis immédiat d’un engrais vert. Cela fait gagner un temps considérable qui sera profitable au développement de l’engrais vert. Certains paysans bio testent également le semis direct des engrais verts sous la batteuse ou sur les chaumes de céréales ; si on est débutant dans cette technique, faire des essais sur des surfaces restreintes.
Intercultures longues : engrais verts gélifs
Ces engrais verts doivent être semés au plus tard le 15.08.2012. Il y a toutes sortes de mélanges qui conviennent.
- Le mélange APP (avoine-pois-vesce) est un grand classique qui a fait ses preuves.
- Il y a aussi d’autres mélanges contenant des trèfles gélifs (trèfle d’Alexandrie, trèfle de Perse), de la vesce d’été, du pois fourrager, de l’avoine, du tournesol, de la phacélia, voire du nyger ou du sorgho en basse altitude.
- Mettre très peu de crucifères ou les éviter dans les mélanges, car ces plantes n’ont pas que des effets positifs : leurs racines sécrètent des glucosinolates qui peuvent perturber la germination et la croissance des plantes cultivées.
- Si on a prévu de détruire ces engrais verts sans labour, ne pas y mettre du raygrass ou d’autres graminées fourragères.
Dans le cadre de la vulgarisation, un mélange dénommé Nmax a été testé par quelques agriculteurs et par le conseiller bio de l’Institut agricole de Grangeneuve FR. Dans un essai semé à Grangeneuve le 05.08.2011, ce mélange a fourni la meilleure couverture du sol au 17 avril 2012, un excellent paillage (voir photo) et le meilleur rendement en matière sèche par hectare. Pour les semis de l’été 2012, le mélange Nmax est fourni entre autre par Schweizer Semences SA. Il est formulé comme suit : féverole, 25 %, 40 kg/ha ; pois fourrager, 20 %, 30 kg/ha ; vesce d’été, 15 %, 15 kg/ha ; phacélia, 15 %, 1.5 kg/ha ; avoine de printemps, 15 %, 21 kg/ha ; tournesol, 10 %, 3.5 kg/ha. Le semis du Nmax se fait à environ 2 à 3 cm de profondeur avec un semoir usuel. La présence côte à côte de grosses graines et de petites graines ne pose pas de problèmes pour le semis.
Résultats de l'essai d'engrais verts à Grangeneuve FR , été 2011 à avril 2012 (469.7 KB)
Résultats de l'essai d'engrais verts à Grangeneuve FR, été à automne 2012 (4.8 MB)
Dans certains cas, des semis directs de cultures mises en place tôt au printemps (céréales de printemps, tournesol, lin, …) devraient être envisageables même en conditions bio dans un beau matelas de paille d’engrais vert gélif. Mais il y a pas peu d’expériences à ce sujet. Donc ne faire des essais que sur des surfaces réduites.
Intercultures longues : engrais verts hivernants
Ces engrais verts peuvent être intéressants pour fournir beaucoup d’azote à des cultures de printemps implantées relativement tard (maïs, légumes de garde…). Le choix des plantes composant les mélanges d’engrais verts hivernants est très limité.
- Parmi les légumineuses, il y a le trèfle violet, le pois fourrager et la féverole. La vesce velue convient aussi mais sa semence est très chère.
- Parmi les autres plantes, on peut citer l’avoine d’automne, le chou de chine, le seigle et le ray-grass. Ces deux dernières espèces sont à proscrire si on veut détruire l’engrais vert au printemps sans labour.
- En semis précoce (juillet-août), on recourt à des mélanges de la série 200 (par ex. les mélanges 200 ou 230) ou contenant du trèfle incarnat.
- Dès la mi-septembre, on recourt à des mélanges avec féverole et vesce.
- Le pois fourrager ne se sème que dès mi-octobre, afin de garantir un bon hivernage.
- En présence de pois protéagineux comme culture principale dans la rotation, remplacer le pois fourrager par la féverole ou la vesce.
Le FiBL a fait des essais avec des légumineuses pures (pois fourrager, féverole, vesce; voir lien ci-dessous). Ces espèces peuvent fournir de très grosses quantités d’azote au maïs ou aux légumes mis en place dès la mi-mai. Le pois fourrager pur qui a été testé (variété EFB 33) a une très bonne résistance aux grands froids hivernaux mais souffre du manque d’eau lors d’un printemps très sec.
Produire de l'azote vert pour des plantes affamées (sur ce site internet)
Intercultures courtes
En bio, il est peu courant de semer un engrais vert entre un blé et une orge d’automne, ou entre un pois et un blé d’automne par exemple. La nécessité du déchaumage limite les possibilités d’implantation d’engrais verts en interculture courte. Mais on peut essayer de semer des mélanges gélifs bon marché (par semis direct si les conditions sont favorables), comprenant du nyger, du sarrasin, de la vesce, des trèfles non hivernants (trèfle d’Alexandrie, trèfle de Perse), du pois. Attention, ne pas laisser le sarrasin venir à graine, le rouler au rouleau faca avant la mise à graine si nécessaire. Si le mélange est beau en automne et si le sol ne contient pas d’adventices, certains agriculteurs bio passent l’engrais vert au rouleau faca puis sèment la culture suivante par semis direct dans l’engrais vert encore vivant. Si on est débutant, tester cette méthode sur des petites surfaces. En agriculture conventionnelle, AgriGenève a fait de bonnes expériences avec cette technique (voir photos).
Gestion des engrais verts gélifs
Faut-il détruire et incorporer au sol les engrais verts gélifs à l’entrée de l’hiver ou les laisser debout jusqu’au printemps ? Pour une restitution rapide et plus importante de l’azote, un engrais vert doit avoir un rapport C/N entre 10 et 20. Ce rapport ne peut être obtenu qu’avec des légumineuses pures, ce qui n’est pas conseillé, ou avec des engrais verts pas trop mûrs, car plus la plante vieillit, plus le rapport C/N augmente. Des études menées en France ont démontré que les engrais verts avec des rapports C/N de 30 et plus ne restituent qu’au maximum 15% de l’azote qu’ils ont fixé et ceci plusieurs mois après leur enfouissement. Afin d’éviter l’augmentation excessive du rapport C/N, il est donc préconisé de détruire les engrais verts avant la mise à graine, c’est à dire à la floraison des espèces principales, ou au plus tard à l’entrée de l’hiver (lors du premier fort gel en décembre). La destruction par roulage au rouleau faca (voir photo) est idéale si l’on veut garder le sol couvert durant l’hiver et éventuellement tenter un semis direct par la suite. L’utilisation d’un broyeur est plutôt déconseillée car elle risque de favoriser les rongeurs et des pertes d’azote. L’incorporation au sol avec une herse à disque ou un chisel est une solution efficace, mais protège moins le sol contre l’érosion. Et la surface ainsi travaillée ne compte plus comme surface couverte (du 15 novembre au 15 février, 50% de la terre ouverte doit être couverte selon Bio Suisse).
Avantages et inconvénients de la destruction des couverts végétaux à l’entrée de l’hiver
Avantages | Inconvénients |
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Aide à la destruction du couvert lors d’années avec de faibles gels | Nécessite un passage supplémentaire l’automne et consomme de l’énergie |
Permet de plaquer l’engrais vert au sol et d’empêcher la germination tardive d’adventices | Met le sol à nu si le couvert est enfoui et augmente les risques d’érosion |
Favorise l’humification rapide de l’engrais vert | Peut provoquer de légères pertes de nitrates par lessivage en cas d’hiver chaud |
Evite le murissement et la propagation des graines du couvert | |
Stoppe l’augmentation du rapport C/N et permet une meilleure restitution de l’azote à la culture suivante | |
Evite les pertes d’azote par évaporation si le couvert est mélangé au sol | |
Stoppe l’offre tardive en pollen pour les abeilles | |
Elimine un refuge pour les rongeurs si le couvert est incorporé au sol |