Bien sûr, l'hiver est synonyme de saison de repos pour le sol et l'esprit. Mais bien des producteurs ne peuvent ou ne veulent pas se passer de produire pendant plusieurs semaines. Plusieurs pistes techniques ont ainsi été évoquées pour parvenir à ses fins.
Eviter les pertes d'azote grâce aux cultures intermédiaires
Comment minimiser les pertes d'azote dues à des hivers de plus en plus chauds et donc de plus en plus humides, et amener au mieux son reliquat d'azote dans le sol pour la nouvelle année? En cultures maraîchères, des quantités considérables d'azote peuvent rester dans les champs sous forme de résidus de récolte. Il suffit de penser aux fanes de choux de Bruxelles, de brocolis ou aux touffes de haricots. Reto Neuweiler, responsable du groupe de recherche cultures maraîchères à Agroscope, a partagé son expérience à ce sujet et présenté les derniers résultats d'essais sur l'enherbement tardif. Dans les conditions climatiques du Plateau suisse, d'importants transferts d'azote minéral sous forme de nitrates peuvent ainsi se produire pendant le repos végétatif et se retrouver dans les couches profondes du sol, où ils ne sont pratiquement plus absorbables par la culture maraîchère suivante. Les exigences posées à la culture intercalaire sont donc nettement plus élevées que pour les grandes cultures. Cette dernière ne doit ainsi pas être une plante hôte d'agents pathogènes des légumes. Elle doit également être semée le plus tard possible, former une masse végétale importante en peu de temps et ne pas provoquer de repousses. Dans les essais avec l'avoine verte, une quantité non négligeable d'azote a ainsi pu être absorbée et conservée.
Cultures alternatives pour la récolte durant la saison d'hiver
Une autre possibilité pour poursuivre une activité maraîchère pendant l’hiver consiste à intégrer des cultures dans sa rotation, de manière à pouvoir récolter des légumes frais tout l'hiver malgré le froid et le gel. Pour cela, Wolfgang Palme, en charge du maraîchage à la Haute école en horticulture (HBLFA Schönbrunn) de Vienne (Autriche), a fourni des informations sur différentes cultures adaptées à l'hiver ainsi que des conseils sur les techniques. En effet, de nombreuses espèces de légumes sont plus résistantes au gel que ce que l'on pense: Wolfgang Palme a ainsi fait référence à des techniques horticoles inspirées du passé permettant de prolongent la saison, comme par exemple l'utilisation de couche chaude: en incorporant une couche de fumier dans un carré potager qui va ainsi naturellement se réchauffer, on peut produire aisément, à petite échelle, des légumes, et qui plus est en jouant avec la proximité aux consommateurs. Bien entendu, les tunnels en plastique et minitunnels offrent également une protection hivernale et assurent un effet de réchauffement rapide en couvrant la culture pendant les heures ensoleillées de la journée. D'après son expérience, ce n'est généralement pas le froid qui pose problème, mais les précipitations hivernales extrêmes. La protection mécanique contre le vent est en tout cas importante, car les blessures peuvent réduire considérablement la tolérance d'une plante au gel. C'est aussi pour cette raison qu'il ne faut pas toucher aux cultures gelées: même avec une protection non-tissée, la prudence est de mise.
Procédés de chauffage durable et stockage des légumes
D'autres aspects techniques ont été abordés, comme par exemple la manière dont les serres bio seront chauffées à l'avenir et les projets de Bio Suisse en la matière. Le système low-tech «Thermitube», qui permet de prolonger la saison grâce à l'énergie solaire, a ainsi été présenté. Ce procédé est particulièrement intéressant pour les exploitations pratiquant la vente directe, car il permet d'avancer et de prolonger la saison dans les serres ou les tunnels en film plastique non chauffés. Enfin, une méthode de stockage alternative a été présentée aux participants, basée sur les mini-casiers CA. Certains participants utilisent déjà ce système avec succès, ce qui a donné lieu à un échange animé entre professionnels après l'exposé.
De l'artichaut au pain de sucre
L'après-midi, comme traditionnellement lors du congrès annuel technique, deux exploitations maraîchères ont été visitées. Première destination, l'exploitation «Les bottés toquées», à Essert-sous-Champvent (VD), conduite selon les directives Demeter et Bio Suisse. L'exploitation s'est spécialisée dans la culture sous abri et cultive essentiellement du rampon pendant le semestre d'hiver, tandis que pendant l'été, les serres sont à nouveau occupées par des légumes-fruits. Au cours de la visite guidée d'une heure-et-demi, le chef de production Christian Hülsmann a expliqué comment la doucette peut être produite en semis direct et comment son exploitation peut s'épargner la fastidieuse récolte à genoux.
Pour un démarrage optimal de la culture, Christian Hülsmann recommande de d'abord fraiser des planches de légumes finement émiettées. Ensuite, on procède à l'ensemencement mécanique, puis, on répand du sable et du basalte. La récolte du rampon s'effectue debout, en ménageant son dos, à l'aide d'un auxiliaire de récolte spécial. Seules les mauvaises herbes, si elles existent, doivent être éliminées.
Le groupe s'est ensuite rendu sur l'exploitation certifiée Bourgeon «Domaine des Prés d'Areuse» à Boudry (NE), où Yannik Fleury cultive la doucette, le pak choi, la chicorée pain de sucre, les radis et les brocolis, vendus directement dans le magasin de la ferme. Mais on trouve aussi sur les surfaces maraîchères des cultures exceptionnelles comme l'artichaut, le gingembre et le curcuma. L'exploitation tient particulièrement à se diversifier afin de se démarquer de la concurrence. Afin de pouvoir proposer davantage de légumes de la ferme, une autre serre est actuellement en construction.
Patricia Schwitter & Tino Hedrich
Pour en savoir plus
Rubrique maraîchage (page interne)
Congrès annuel légumes bio (Agenda)