Au milieu des années 1980, lorsqu’on était jeune agronome employé par l’État et qu’on regardait en direction d’Oberwil dans le canton de Bâle-Campagne, on était saisi d’un léger frisson d’exotisme. Là-bas, les jeunes passionnés d’agriculture biologique se démenaient pour réaliser des essais en plein champ pertinents pour la pratique, sans laboratoire, sans machines et avec peu d’argent. Le fleuron était l’essai DOC mené au Birsmattehof, une ferme voisine, par la Station fédérale de recherche de Liebefeld (aujourd’hui devenue Agroscope), dans le cadre duquel un collaborateur du FiBL pouvait lutter contre les campagnols. J’étais fasciné par le potentiel de cocréation avec ces gens. Je sentais que le FiBL pouvait devenir le point de départ de quelque chose de grand. Le «Bourgeon bio», qui figurait sur le papier à en-tête du FiBL et sur le bimensuel maison "zB", n’appartenait à personne, mais devenait une force organisatrice dans un secteur agricole et alimentaire alternatif en train de se structurer lentement.
À partir de 1990, dans ma double fonction de directeur du FiBL et de président de l’AGPBS (aujourd’hui devenue Bio Suisse), j’ai vite compris comment fonctionnait le petit monde du bio et comment les choses pouvaient évoluer. Plus tard, Bio Suisse s’est émancipée du FiBL, lequel a abandonné ses compétences en matière de directives et le logo Bourgeon pour se concentrer sur la recherche, la vulgarisation et le contrôle/la certification. Ces deux dernières compétences ont à leur tour été reprises par l’entreprise bio.inspecta AG, fondée en 1998. Le FiBL a ensuite développé de manière systématique sa fonction restante de centre de recherche et de vulgarisation en agriculture biologique. Ce fut un processus de développement incroyablement passionnant, complexe et exigeant. Durant cette période, j’ai appris toutes les compétences que j’ai été capable de mobiliser jusqu’à ce jour. Je me suis donné corps et âme, utilisant assidûment le canapé qui se trouvait dans mon bureau dans la vieille villa de fabricants à Bernhardsberg. J’ai été soutenu par des personnes qui me faisaient confiance, comme Heinz Zumstein, le président du conseil de fondation de l’époque, Werner Scheidegger, le premier président de l’AGPBS, Otto Schmid, pionnier chevronné du bio, collaborateur du FiBL et spécialiste engagé dans l’IFOAM, et Anne Merz, qui s’occupait de la microgestion.
Après ces cinq premières années, je n’ai cessé de chercher de nouvelles sources de financement. Lorsque des personnes engagées ont des objectifs et des idées, il est presque impossible de trouver un financement pour tout. Chaque année, le budget augmentait de deux à trois millions de francs. À la production végétale se sont ajoutés l’élevage et la santé animale, les sciences économiques et la sociologie, l’alimentation et la santé. L’agriculture biologique a constamment été appelée à développer ses compétences en matière de biodiversité, de protection des sols, de changement climatique ou de sécurité alimentaire mondiale. Ces grands thèmes nous ont incités à participer aux programmes de recherche de l’UE en 1993 et à lancer des projets en Europe de l’Est et dans les pays du Sud en 1996. Les relations avec l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) étaient de plus en plus étroites. Le mérite revient également à l’ancien conseiller fédéral Otto Stich, qui a beaucoup œuvré pour le FiBL après sa retraite et dont l’attitude amicale et laconique m’a toujours aidé à garder les pieds sur terre.
Ce qui reste, ce sont les milliers de personnes qui ont travaillé chez nous ou avec nous. Elles sont le véritable héritage du FiBL. Je les rencontre encore partout dans le monde, ce qui explique le succès de ma deuxième vie après le FiBL. Le FiBL devrait cultiver cette culture d’atelier créatif façonnant l’avenir de la planète. Il doit marquer durablement l’esprit de nombreuses personnes et tisser de véritables liens. Il existe peu d’endroits de ce type, voilà l’USP du FiBL pour l’avenir.