Nécrose apicale sur tomates et poivrons
La nécrose apicale de la tomate s'est transformée en un problème largement répandu au cours de ces derniers étés caniculaires. Cette perturbation physiologique touche particulièrement les tomates charnues du type San Marzano ainsi que des variétés plus anciennes à gros fruits comme la Rose de Berne ou la Cœur de bœuf.
Les premiers symptômes de cette perturbation physiologique sont des nécroses claires au point d’ébauche de la floraison. Ces taches s’étendent ensuite toujours plus, deviennent grises jusqu’à brun foncé, se creusent et durcissent avec le temps. Les symptômes peuvent apparaître pendant toute la durée de la culture, mais ils sont plus fréquents sur les premiers fruits.
Sous serre, les nécroses apicales peuvent toucher non seulement les tomates mais aussi les poivrons. Les symptômes sur poivron ressemblent à ceux de l’échaudage, mais en cas d’échaudage les nécroses sont toujours tournées du côté du soleil alors qu’en cas de nécrose apicale, elles partent du point d’ébauche de la floraison. Les types allongés, comme Corno di Bue, sont en général plus sensibles que les poivrons de forme compacte.
Carence en calcium en cause
La nécrose apicale est dûe à un manque de calcium dans les plantes. Le calcium est responsable de la stabilité des parois cellulaires. En cas de carence, les cellules s’effondrent et les tissus concernés meurent. Cette carence en calcium n’est toutefois généralement pas liée à des basses concentrations dans le sol, et pour autant que la terre ne soit pas extrêmement acide (pH < 6), ces symptômes sont plutôt dûs à une perturbation de l’absorption du calcium et/ou à sa mauvaise répartition dans la plante. Une fumure foliaire avec du chlorure de calcium (CaCl2) est certes en principe possible (mention obligatoire dans le journal des traitements), mais elle n’est que rarement efficace.
Favoriser l’absorption du calcium
Le calcium ne peut être absorbé par les plantes que via les extrêmités des pointes racinaires. Les tissus vasculaires ligneux (le xylème) des racines plus âgées sont en effet entourés d’une barrière naturelle qui empêche l’absorption du calcium. Pour garantir une absorption ininterrompue du calcium, il faut donc une croissance constante des racines, et pour cela il faut des conditions idéales dans la zone des pointes racinaires. Il est donc essentiel d’assurer une humidité du sol la plus régulière possible à l’aide d’arrosages réguliers et adaptés en fonction du climat de la serre. La terre doit donc être ni trop mouillée ni trop sèche. Les apports d’eau devraient être contrôlés régulièrement, par exemple, avec un tensiomètre ou en vérifiant manuellement l’humidité de la terre à environ cinq centimètres de profondeur en dessous des goutteurs.
Il faut aussi favoriser une forte ramification du système racinaire en assurant une bonne structure du sol et une irrigation de toute la surface, par exemple avec des sprinklers ou des tuyaux perforés. L’absorption du calcium (Ca++) est par ailleurs aussi influencée par la présence d’autres éléments nutritifs. Par exemple, les hautes teneurs en ammonium (NH4+), en potassium (K+) et en magnésium (Mg++) dans le sol ont un effet antagoniste, c’est-à-dire que ces différents ions bloquent l’absorption du calcium. Les hautes teneurs en nitrate (NO3–) influencent par contre positivement l’absorption du calcium.
Assurer une croissance régulière
Une fois absorbé dans la plante, le calcium voyage passivement avec le flux de sève jusqu’aux différents organes de la plante. Une fois qu’il y est arrivé, le calcium ne peut plus guère être déplacé vers un autre organe, ce qui fait que le calcium n’est pas considéré comme un élément nutritif mobile. Si l’absorption par la solution du sol stagne ou se bloque, cela provoque immédiatement des carences dans les tissus jeunes. Quand les plantes croissent très rapidement, la teneur en calcium baisse dans les tissus parce que les racines ne parviennent pas à en absorber assez pour suivre le rythme de la croissance. Il faut donc aussi veiller à une croissance aussi régulière que possible, par exemple en intensifiant l’effeuillage des plantes très vigoureuses.
Réguler la transpiration par le climat de la serre
Le transport du calcium dépend aussi fortement de la transpiration des plantes. En cas de forte humidité de l’air et de faible évaporation, le flux de sève diminue et avec lui le transport du calcium. En cas de très forte évaporation pendant les journées très chaudes et sèches, le calcium arrive davantage dans les feuilles, qui sont des organes qui transpirent beaucoup, et presque plus dans les organes qui transpirent peu comme les fruits. Le défi est donc d’arriver à maintenir l’équilibre entre l’évaporation et l’absorption de l’eau malgré les cabrioles de la météo.
Pendant les canicules, il faut essayer de diminuer la transpiration des plantes par de l’ombragement et/ou des nébulisations. Et pendant les périodes de mauvais temps, il faut plutôt stimuler l’évaporation par exemple par un chauffage sec ou en aérant longuement le soir afin de laisser l’air chaud et humide s’échapper. Il est aussi essentiel d’adapter l’arrosage en fonction de l’évaporation, puisque chaque journée de sécheresse avec une forte évaporation provoque immédiatement une carence en calcium dans les parties délicates de la plante.
Samuel Hauenstein, FiBL
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