Dans le monde entier, la tavelure provoque les problèmes phytosanitaires les plus importants dans la production de fruits à pépins bio. L’assortiment sans cesse croissant de variétés résistantes à la tavelure permet d’économiser une grande partie des traitements contre cette maladie (photo du haut). Or, les variétés dites « résistantes », sont plus exactement « tolérantes » à la maladie et des traitements restent bien souvent nécessaires, spécialement lors des périodes de risques élevés, pour assurer la qualité de la récolte et pérenniser la faible sensibilité de la variété. De plus, favoriser la tolérance à une maladie engendre généralement une sensibilité à d’autres pathogènes.
En revanche, les variétés de fruits à pépins qui produisent les fruits les plus recherchés notamment par les grands distributeurs, restent très sensibles à la tavelure.
Par ailleurs, toutes les variétés de pommes tardives sont plus ou moins sensibles aux taches de suie et aux crottes de mouche, deux maladies liées à des complexes parasitaires fongiques. Les symptômes sont des plages noires superficielles plus ou moins étendues pour la maladie de la suie (photo du centre).
Pour les crottes de mouche, il s’agit de petites tâches rondes, noires, souvent groupées (photo du bas).
Depuis de nombreuses années, les différents essais pratiques ont permis d’optimiser les conseils phytosanitaires et d’'élaborer des stratégies de traitement qui couvrent la protection contre ces maladies.
Prévention des risques
Deux champignons sont responsables, spécifiquement de la tavelure du pommier Venturia inaequalis et du poirier Venturia pyrina. Ces maladies génèrent des lésions noires ou brunes à la surface des feuilles, des bourgeons ou des fruits et parfois même sur le bois, spécialement chez le poirier. Ces maladies sont fortement influencées par les conditions météorologiques : les risques de contaminations augmentent avec la hausse des températures et de l’humidité. C’est pourquoi, avant tout, il est primordial de se référer à RimPro pour déterminer les risques d’infection et agir en préventif, et de ne faire appel aux moyens curatifs qu’en dernier recours.
Recommandations de traitements
- Cuivre (200-700 g de Cu métal/ha) seul – attention à ne pas dépasser 4 kg/ha/année, ou
- Cuivre (100-200 g de Cu métal/ha) et soufre mouillable 80 % (3.,2 kg/ha), ou
- Myco-Sin (8 kg/ha) + + soufre mouillable 80 % (3,2 kg/ha), ou
- Armicarb* (3,.2 kg/ha) + soufre mouillable 80 % (3,2 kg/ha), ou
- Vitisan* (5 kg/ha) + soufre mouillable 80 % (3,2 kg/ha), ou
- Curatio** (18-25 L/ha)
*Armicarb et Vitisan bénéficient d’un effet stop partiel jusqu’à maximum 12-24 h après la pluie
**Curatio bénéficie d’un effet stop partiel maximum 24 h après l’infection pour des températures moyennes entre 12-13 °C.
Le cuivre
Le cuivre peut être utilisé de la première application jusqu’au débourrement avancé (oreilles de souris) ou même jusqu’au stade pré-bouton rose si un russetting léger peut être accepté. Le russeting sur les pommes est un type particulier de peau, légèrement rugueuse, avec une couleur allant habituellement du brun-verdâtre au brun-jaunâtre ou gris-roussâtre, suggérant une fine pellicule liégeuse. Parfois propre à la variété, l’apparition du russeting peut aussi avoir d’autres origines, dont les applications agrochimiques. Certaines variétés supportent des doses très faibles jusqu’à la fin juillet. Néanmoins, le risque de russeting sur fruit est accru et de la phytotoxicité peut apparaître sur les organes humides ou mal aoûtés. Les risques de brûlures sont plus grands par temps froid et humide et il faut éviter les arrosages sous grand soleil. Le cuivre est quand même préférable au soufre par temps froid (<15 °C) et avant la floraison.
Le soufre
Le soufre appliqué en mélange avec le cuivre ou, le bicarbonate de potassium, a une action préventive. Il crée une barrière contre les spores; en effet, cet élément s’oxyde au contact des feuilles et brûle les spores. Son efficacité est peu résiduelle, donc de courte durée et souvent trop faible en cas de forte pression. C’est pourquoi il est conseillé de ne pas l’employer seul. Son efficacité ne sera assurée que par des températures suffisamment élevées. Par contre, le soufre est phytotoxique pour les fruits et les feuilles, surtout par temps chaud. On recommande son usage uniquement à des températures comprises entre 10 °C et 28 °C. Certains cultivars, notamment rouges, sont très sensibles à la phytotoxicité du soufre.
Le soufre est également nuisible à certains insectes utiles tels que les punaises, les acariens prédateurs et les hyménoptères parasites. Son accumulation dans le sol peut aussi engendrer une acidification.
L’argile
Le Myco-Sin (argile sulfurée + extrait de prêle) lutte contre la tavelure mais aussi l’oïdium, le feu bactérien, Marssonina et les maladies de conservation. Le produit agit en préventif par la libération d’ions aluminium en solution aqueuse, qui désactivent les spores de champignons en germination. Myco-Sin agit aussi par temps froid. Son utilisation peut être délicate selon l’équipement de pulvérisation. Il est conseillé de délayer le produit dans un bon volume d’eau à laquelle on aura au préalable ajouté de l’acide citrique, de remplir à 50 % le tank en eau puis d’incorporer la préparation avec l’agitateur en marche et enfin d’y ajouter le solde d’eau.
Ne mélanger le Myco-Sin qu’avec du soufre mouillable, proscrire tout autre type de soufre.
Le bicarbonate
Le bicarbonate de potassium n’est pas uniquement efficace contre la tavelure mais également contre les taches de suie, les crottes de mouche et l’oïdium. Il agit par pression osmotique pour générer la lyse des spores. Deux produits commerciaux sont disponibles : l’Armicarb et le Vitisan.
La formulation de l’Armicarb lui avait, à ses débuts, valu une mauvaise presse car de légères brûlures avaient été constatées sur les feuilles. Depuis lors, les essais et les nombreuses expériences de la pratique ont permis d’optimiser les conseils phytosanitaires concernant ce produit. Il est important de ne pas renouveler trop rapidement les applications (plus de 8 jours) en vue d’éviter l’accumulation du produit. La dose peut être réduite à 3,2 kg/ha en mélange avec du soufre mouillable afin de limiter ces risques phytotoxiques, mais attention à proscrire les formulations de soufre liquides. Néanmoins, des sensibilités variétales aux nécroses sur feuilles ont été observées à Frick, Remigen, Pfyn, Sulgen et Aubonne, de 2006 à 2008.
Application d’Armicarb
Sensibilité des variétés aux nécroses sur feuilles (Observations de Frick, Remigen, Pfyn, Sulgen et Aubonne, 2006-2008)
| Variété | Sensibilité aux nécroses |
| Ecolette | forte |
| Elstar | forte |
| Pomme cloche | forte |
| Rose de Berne | forte |
| Golden Delicious | moyenne |
| Gala | moyenne |
| Iduna | moyenne |
| Meran | moyenne |
| Arlette | faible |
| Cox Orange | faible |
| Retina | faible |
| Resi | faible |
| Vanda | faible |
| Boskoop | aucune |
| Braeburn | aucune |
| Evelina | aucune |
| Fiesta | aucune |
| Goldparmäne | aucune |
| Gravenstein | aucune |
| Idared | aucune |
| Jonica | aucune |
| Maigold | aucune |
| Ottawa | aucune |
| Pinowa | aucune |
De par sa formulation, l’Armicarb a une bonne adhérence sur les feuilles et ainsi une bonne résistance au lessivage. Les savons qui entrent dans sa composition amènent son efficacité contre la maladie de la suie et les crottes de mouche.
On préférera employer le bicarbonate lors des périodes de risques moyens à faibles, durant les infections secondaires notamment, et en été-automne, afin de profiter de son efficacité contre la maladie de la suie. La marche à suivre est la même que pour le Mico-Syn concernant la préparation de la bouillie.
Le Vitisan est composé de bicarbonate pur. Il a un mode d’action similaire à celui de l’Armicarb, donc des efficacités comparables contre la tavelure et l’oïdium, mais n’étant pas formulé, utilisé seul, le Vitisan sera plus vite lessivé et n’agira pas contre la maladie de la suie. Par ailleurs, moins de dégâts de phytotoxicité ont été observés avec ce bicarbonate, même s’il risque également de créer des nécroses en étant accumulé.
Contre la maladie de la suie et afin d’améliorer l’adhérence du Vitisan, on ajoutera du Biofa Cocana (savon de coco).
La chaux soufrée
Le Curatio est un fongicide de contact à base de chaux soufrée. Il s’utilise plutôt en curatif juste après une pluie sur feuillage humide, puis apportera après séchage une protection préventive. On le privilégiera en période d’infections primaires, mais il est également efficace contre maladie de la suie et Marssonina. Attention à ne mélanger Curatio avec aucun autre produit et à bien rincer et nettoyer tous les équipements de pulvérisation immédiatement après traitement.
Prophylaxie en automne et en hiver
Après la chute des feuilles des pommiers et des poiriers, il est conseillé de broyer la litière entre les rangs. Cela permet d’accélérer la décomposition des feuilles. En complément, les feuilles situées sous le rang qui n’ont pas été broyées peuvent être buttées afin d’être recouvertes de terre. Les feuilles peuvent également être ramassées et exportées hors du verger, mais ce travail demande beaucoup plus de temps et du matériel adapté.
Ainsi, la phase de multiplication sexuée saprophyte des champignons qui se déroule durant l’hiver dans les feuilles mortes tombées au sol est limitée et le potentiel infectieux pour l’année prochaine également.
Pour en savoir plus
Liste des intrants (FiBL Téléchargements et boutique en ligne)
Maladie et ravageurs fruits à noyau (Rubrique sur ce site internet)
